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poliment en faveur de l’autre enfant. Les deux grand’mères, avec non moins de partialité mais plus de franchise, se prononçaient hautement pour leur progéniture. Lucie, qui ne désirait pas se faire moins bien voir d’une mère que de l’autre, trouvait les deux petits remarquablement grands pour leur âge et ne pouvait concevoir qu’il y eût entre eux la moindre différence. Miss Steele, avec une habileté encore plus achevée, se prononça tant qu’elle ne fut pas à bout de souffle, en faveur de tous les deux à la fois ». [1]

Avec le sourire d’ironique indulgence qu’elle accorde à toutes les faiblesses, sauf à la vanité et à l’hypocrisie, Jane Austen nous fait voir chez un des personnages comiques de « Bon Sens et Sentimentalité », la vulgarité bon enfant d’une parvenue qui jouit naïvement de sa fortune et veut que les autres en jouissent avec elle. Mme Jennings, — une sorte de dame Quickly appartenant à un milieu bourgeois et respectable, — apporte le bruit de son gros rire et le commentaire d’une sagesse vulgaire aux scènes où le désespoir de la romanesque Marianne s’assombrit jusqu’au tragique. C’est elle qui pense guérir la triste amoureuse de sa cruelle déception « par un assortiment de sucreries, des olives et une bonne place au coin du feu ». Elle a encore un meilleur remède : « Ellinor fut bientôt rejointe par Mme Jennings, qui tenait un verre plein à la main. — Ma chère, lui dit-elle en entrant, je viens de me rappeler à l’instant que j’ai ici un peu d’excellent vin de Constance et je vous en apporte un verre pour votre sœur. Mon pauvre mari, comme il aimait ce vin ! Toutes les fois qu’il se sentait pris d’un de ses accès de goutte, il disait que cela lui faisait plus de bien que rien autre au monde. Portez-en un verre à votre sœur. — Chère Madame, répondit Ellinor, souriant à l’idée de la variété de maux pour lesquels ce remède était préconisé, com-

  1. Bon Sens et Sentimentalité. Chap. XXXIV.