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Ellinor, destinée croit-il, à bientôt épouser un homme riche, « que la fortune de celui-ci soit deux fois plus considérable ». Puis, après une si touchante preuve de générosité et d’amour fraternel, il confie à Ellinor les dangers qu’il a courus au moment où il a acheté une terre. « Cette terre m’a vraiment couté beaucoup… j’aurais pu la revendre le lendemain pour plus que je ne l’avais payée, mais le jour où j’en ai fait l’achat, j’aurais pu me trouver dans un grand embarras. Les fonds d’État étaient si bas à ce moment que, si je n’avais eu l’argent nécessaire chez mon banquier, il m’aurait fallu subir une perte considérable sur la vente de mes titres ». [1]

« Bon Sens et Sentimentalité » fut le premier roman que Jane Austen publia. Il parut en 1811 alors qu’ « Orgueil et Parti pris » et « L’abbaye de Northanger » attendaient encore les honneurs de la publication. Aussi a-t-on parfois été tenté de croire que l’auteur, par une singulière aberration de son sens critique, avait présenté en premier lieu au public « Bon sens et Sentimentalité » parce qu’elle jugeait ce roman supérieur aux deux autres. Rien dans sa correspondance ni dans ce que nous savons de ses opinions, ne justifie cette supposition. Au printemps de 1811, Jane Austen qui faisait alors un séjour à Londres chez son frère Henry, trouva, grâce aux bons offices de ce dernier, un éditeur qui consentit à publier un roman d’un auteur inconnu. La publication étant faite aux frais de l’auteur, pourquoi « Bon Sens et Sentimentalité » fut-il préféré à « Orgueil et Parti pris » ? Simplement parce que ce roman était, à cette époque, le seul que Jane Austen n’éprouvât aucune hésitation à offrir au public. « Orgueil et Parti pris » avait été refusé en 1797 par Cadell, un éditeur de Londres, et Jane Austen n’avait pas oublié cette déconvenue. En cette même année 1811, « L’abbaye de Northanger » dormait au fond d’un tiroir chez un autre éditeur qui avait acheté l’ouvrage mais ne se décidait pas à le publier. Il ne restait donc que « Bon Sens et Sentimentalité » que l’auteur revit

  1. Bon Sens et Sentimentalité, Chap. XXXIII.