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a quelque chose d’intéressant dans le remue-ménage d’un départ et la perspective de passer à l’avenir l’été au bord de la mer ou dans le pays de Galles est absolument délicieuse. Nous jouirons ainsi pendant un certain temps de beaucoup des privilèges que j’ai souvent enviés aux femmes de marins ou de soldats. Cependant, il ne faudrait pas que tout le monde sache que je ne fais pas un grand sacrifice en quittant la campagne, car je ne pourrais plus espérer faire naître aucune tendre compassion, ni éveiller aucun intérêt chez les amis que nous quittons ».[1]

D’autres lettres, écrites quelques jours plus tard, ne contiennent que le récit des préparatifs de départ : le révérend George Austen veut se défaire des cinq cents volumes de sa bibliothèque, et Jane propose en riant à son frère aîné, qui succède à son père comme recteur de Steventon, de les acquérir au prix fort modique d’une demi-guinée le volume. Puis viennent quelques détails au sujet d’une soirée passée à Ashe Park où Jane se trouve presque en famille et où toute la compagnie « est de fort méchante humeur en jouant au vingt et un ». Viennent encore quelques projets, mais ceux-là se rapportent aux robes nouvelles dont il faudra faire emplette à Bath. « Ma robe rose durera tout au plus jusqu’à la fin de mon séjour à Steventon… Je vais vous charger de m’acheter une robe de mousseline unie et sombre pour le matin. J’en veux une autre très jolie, jaune et blanche, légère comme un nuage, mais, celle-là, je l’achèterai à Bath ».[2] C’est ainsi que Jane Austen quitte le village où elle est née, la maison paternelle, le frais jardin qui l’ont vu grandir. Elle part sans regrets, sans tristesse, heureuse de s’éloigner d’un milieu qui ne l’intéresse plus et qui lui a donné tout ce qu’il pouvait lui donner, puisqu’elle y a vécu des années sereines et trouvé le sujet de trois romans.

  1. Lettres. 3 janvier 1801.
  2. Lettres. 25 janvier 1801