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toire qu’on veut relire. « Alphonsine »[1] ne nous a pas plu ; au bout de vingt pages nous avons été rebutés. Sans parler de la traduction qui est mauvaise, il y a dans ce livre un manque de délicatesse déplorable chez un écrivain ordinairement si réservé. Nous l’avons abandonné pour prendre le « Don Quichotte féminin »[2] qui forme maintenant le divertissement de nos soirées, divertissement très grand pour moi, car je trouve ce roman aussi agréable que mes souvenirs me le représentaient ».

Il est aisé de comprendre, en feuilletant « Alphonsine », pourquoi la lecture à haute voix fut interrompue au bout de vingt pages. Le roman de Mme de Genlis n’est pas, en effet, de ceux qu’on peut lire en famille, surtout dans un milieu comme celui des Austen. Aussi bien que les hardiesses du sujet, le ton du récit, moitié prêcheur, moitié libertin, était fait pour offenser le goût et effaroucher la pudeur de tels lecteurs. Quelle pénible désillusion ne durent-ils pas éprouver à mesure qu’avançait la lecture et qu’ils voyaient au lieu de la « tendresse maternelle » annoncée dans le sous-titre, le récit complaisant et appuyé d’aventures plutôt scabreuses ! Une œuvre toute d’édification ne leur avait-elle pas été promise dans la préface ? « Dieu n’a pas donné à l’homme une seule faculté qui ne puisse servir à son bonheur ; c’est surtout ce que j’ai tâché de prouver dans cet ouvrage… J’ai eu dans ce roman une autre intention morale, celle de montrer que dans la situation la plus déplorable, il reste aux âmes vertueuses et sensibles des ressources infinies, de puissantes consolations ».

Malheureusement, le premier chapitre ne semble pas mettre très vivement en lumière les ressources infinies des âmes vertueuses et sensibles, puisqu’il est tout entier consacré au récit d’événements romanesques et à la peinture de scènes assez osées. On y voit le comte de Moncalde

  1. Alphonsine ou la tendresse maternelle, par Mme de Genlis. Paris, 1806 (2 volumes).
  2. The female Quixote, by Mrs. Charlotte Lenox, 1752.