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Misses Austen passaient quelques jours avait adressé un soir à Jane une demande en mariage. Cette demande avait été acceptée. Le lendemain matin, après avoir réfléchi toute la nuit, Jane avait rendu sa parole au jeune homme en lui disant qu’elle regrettait de s’être engagée inconsidérément. [1] Les avantages matériels qu’un mariage avec un homme fort riche pouvait offrir à une fille de vingt-six ans, que la mort de son père devait laisser dans une situation médiocre, l’assurance d’être aimée et la confiance que lui inspirait une longue amitié avec la famille de ce prétendant, toutes ces considérations n’avaient pas longtemps pesé sur sa décision. Peut-être le souvenir d’un grand et profond chagrin lui avait-il permis de mesurer la différence entre un mariage d’inclination et un mariage sans amour ; peut-être aussi un ironique destin poussa-t-il la moins romanesque des romancières à une résolution qu’elle aurait blâmée chez une de ses héroïnes. Quoi qu’il en soit, Jane Austen refusa la fortune et, chose infiniment plus précieuse, l’amour d’un honnête homme pour la plus irréfutable et la plus féminine des raisons : parce qu’elle n’aimait pas cet homme comme elle aurait voulu l’aimer pour devenir sa femme.

La difficulté d’indiquer à quel moment l’amour passa dans la vie de Jane Austen s’augmente encore de la présence dans les lettres d’un passage énigmatique. Pendant un séjour à Godmersham, Jane Austen écrit à sa sœur, le 28 juin 1808 : « J’ai été si affectueusement priée de retarder mon départ que je me suis crue obligée de donner à Edward et à Elizabeth la raison toute personnelle que j’ai de vouloir être à la maison (à Southampton) en juillet. Ils en ont senti la valeur et n’ont plus insisté. Je peux compter sur leur discrétion. Après cela, j’espère que nous n’aurons pas de déception en ce qui concerne la visite de notre ami. Ma dignité aussi bien que mon affection sont intéressées à cette affaire ». Mr. W. Austen-Leigh, qui ne fait aucune mention de ce passage dans une

  1. Jane Austen, her life and her letters. Pages 92-93.