Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/278

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quelque chose et venait se remettre à son travail près de la cheminée ». [1] Les aînées de ses nièces savaient bien ce que voulaient dire ces éclats de rire, ces brusques interruptions et ces mots écrits à la hâte puisqu’elles étaient admises à l’honneur d’écouter, longtemps avant que le public les connût, les discours de l’inoubliable Mme Norris, le récit des aventures d’Harriet Smith ou les compliments de la loquace Miss Bates. Pour dédommager ceux des enfants qui n’auraient rien pu comprendre à de telles lectures, leur tante inventait des histoires merveilleuses qu’elle leur contait avec une patience infatigable. Un trait exquis qu’on relève dans « Emma » semble avoir été inspiré à l’auteur par ses petits neveux et nièces de Godmersham. Une jeune fille, se promenant seule dans la campagne, est importunée, puis terrifiée par des bohémiens que la venue d’un autre promeneur met en fuite : « Toute l’aventure se réduisit bientôt à une affaire de peu d’importance, sauf aux yeux d’Emma et de ses neveux… Henry et John continuèrent à lui réclamer chaque jour l’histoire d’Harriet et des bohémiens et à la reprendre invariablement si elle s’écartait, fut-ce dans le moindre détail, du premier récit des faits ». [2] Le souvenir de ces histoires demeura vivant dans la mémoire de ses neveux et nièces. « Ce qui charmait d’abord les enfants, écrit une de celles-ci, c’était la douceur qui rayonnait d’elle. Nous sentions qu’elle nous aimait et nous l’aimions à notre tour. C’est tout ce que je me rappelle avant le moment où je fus assez grande pour apprécier son esprit. Alors, je connus les délices de sa conversation enjouée et pleine d’intérêt. Tout, grâce à elle, devenait amusant pour un enfant. Et quand j’eus quelques années de plus et que d’autres cousines étaient là pour partager le divertissement, elle nous racontait de belles histoires, des contes de fées de préférence. Chacune de ses fées avait

  1. Cité dans « Jane Austen, her homes and her friends » by Constance Hill. Page 202.
  2. Emma. Chap. XXXIX.