Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont les auteurs dramatiques de la Restauration avaient dépeint la vie frivole et galante. Les Bellarminte, les Millamant, les Dorimène de la comédie de Congreve, de Farquhar ou de Vanbrugh, sont toutes des femmes à la mode qui rivalisent de beauté et de légèreté avec les dames de la Cour. On ne leur demande rien que d’être belles et faciles, de passer avec grâce d’une brève liaison à un caprice plus fugitif encore. À la Cour comme à la ville, ces femmes à la mode, grandes dames ou aventurières, ne forment pas un groupe bien nombreux. Elles emplissent cependant Londres du bruit de leurs succès, du renom de leur esprit et de leurs charmes ; elles sont les seules femmes qui, à la fin du xviie siècle, jouent un rôle dans la vie de société, les seules aussi auxquelles un Congreve ou un Vanbrugh puisse s’intéresser. Quant à leurs contemporaines, infiniment plus nombreuses mais moins brillantes, épouses vertueuses et fidèles à la tradition puritaine, mères de famille, ménagères prudentes et actives, elles ne comptent pas en dehors de la maison où elles élèvent leurs enfants et dirigent leurs servantes. Leur valeur, leur importance dans la vie sociale semblent insignifiantes. Leurs mérites sont si peu appréciés, leurs goûts et leurs préférences si complètement méconnus par les auteurs du temps, que pas une comédie ne nous montre une femme honnête dont la vertu ne soit calcul et la pudeur sotte et ridicule pruderie. Jugeant toutes les femmes d’après celles qu’il peint de préférence, Vanbrugh déclare dans une de ses préfaces : « Je crois fermement qu’il n’existe pas à Londres de femme vraiment honnête qui, lisant par devers soi ma comédie, sans parti pris d’y trouver quelque chose à redire, ne la juge si inoffensive qu’elle ne consente à laisser le volume sur le même rayon que son Livre de prières ». La comédie si inoffensive — so innocent — dont il s’agit ici n’est autre que la licencieuse et célèbre pièce intitulée « La Rechute ou la Vertu en Danger ». [1]

  1. The Relapse or Virtue in Danger, by John Vanbrugh, 1696. (Preface).