Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/316

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Avec la publication du « Tatler » et du « Spectateur » pendant la première décade du xviiie siècle, la femme à la mode est brusquement dépouillée de son prestige. La « femme vraiment honnête » apparaît alors dans la littérature et commence à exercer une influence sur la société. La réprobation générale soulevée par la licence du théâtre et la corruption des mœurs que la Cour donnait en exemple à la ville, un réveil très marqué de la conscience puritaine (réveil dont la diatribe véhémente de Jérémie Collier avait donné le signal), contribuent à la fois à ce changement. C’est à la femme honnête que les écrivains s’adressent dès lors. C’est elle que les romanciers, comme pour la dédommager de l’oubli dans lequel l’avaient laissée les auteurs de la Restauration, vont prendre pour inspiratrice et pour modèle.


En 1740, un imprimeur nommé Richardson, ayant commencé un manuel destiné à enseigner aux servantes les vertus de leur condition, imagina de donner à son petit traité de morale familière la forme plus attrayante d’un récit. Le manuel devint un roman « Pamèla ou la Vertu récompensée ». Le succès de ce premier ouvrage fut immédiat et, malgré la brillante parodie de Fielding, « Josepb Andrews », les lecteurs et surtout les lectrices de « Pamèla » jugèrent ce roman le meilleur qu’on eût jamais écrit.

La publication de « Clarissa Harlowe », en 1748, leur révéla une œuvre encore plus digne de leur enthousiasme et de leurs louanges. La renommée de « Clarissa » se répandit bientôt à travers l’Europe. On sait que sa popularité, si grande en Angleterre, ne fut pas moindre en France et combien son influence sur le roman français fut profonde. Avec sa nouvelle héroïne, Richardson créait un type nouveau et, en même temps, faisait naître chez ses lecteurs une sensibilité nouvelle en leur offrant de la manière la plus propre à les émouvoir, non pas une pathétique et banale