Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/338

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les rondes de leurs gardes-chasse. De fait, tout est équilibré depuis si longtemps dans la vie matérielle de la « gentry » comme dans l’éducation qui adapte définitivement ses membres à leur milieu, que jamais ou presque jamais de catastrophes irréparables, de désastres imprévus ne se produisent. À peine le cours uni de la vie de famille est-il interrompu quelquefois par une maladie, comme celle de Marianne Dashwood, par l’enlèvement de Lydia Bennet ou la fuite de l’altière Maria Bertram. Et puisque la vie est si heureuse et si douce, à quoi bon rechercher des satisfactions d’ambition ou de vanité au-dessus de celles que le sort a naturellement départies aux gens de qualité ? L’absence de tout désir, de toute conception d’une condition plus enviable, comme aussi le sentiment très réel de leur dignité personnelle, empêchent ainsi un « squire » ou une châtelaine de rechercher la société et l’amitié de gens titrés, membres de cette classe supérieure qui constituent la haute aristocratie, pairs du royaume qui gouvernent héréditairement la nation tout entière comme les « squires », de génération en génération, gouvernent les paysans ou fermiers qui cultivent leurs propriétés. La « gentry » donnant l’exemple de tant d’indépendance, d’indifférence même, à l’égard de l’aristocratie, les parvenus, c’est-à-dire tous ceux qui, sans être aussi bien nés, se font admettre presque en égaux dans la société des gens de qualité, sont obligés à tenir une pareille conduite. Aussi Mme Elton, que son rang de femme du pasteur fait accepter dans la meilleure société de Highbury, ne prétendra-t-elle qu’à une seule chose : convaincre tout le monde qu’elle appartient à un milieu, non point supérieur, mais aussi distingué que celui dans lequel son mari l’a fait pénétrer. Toutes ses vanteries n’auront qu’un but : montrer que Miss Augusta Hawkins, fille d’un marchand de Bristol et belle-sœur d’un Monsieur si riche « qu’il n’a pas moins de deux voitures » est en tous points l’égale de Miss Emma Woodhouse. Une fois ce résultat atteint, Mme Elton, avant obtenu droit de cité dans les salons