Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/343

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cer son pouvoir, nous voyons tout céder devant lui. La loi assurant à son fils aîné un héritage que celui-ci devra à son tour transmettre à son premier-né, le plus grand souci de Sir Thomas est l’avenir de ses autres enfants. Il désire que son second fils, Edmond, puisse tenir dans le monde le rang qui convient à un cadet de bonne maison. Afin de compenser dans une certaine mesure l’injustice des lois qui n’accordent rien aux cadets tandis que les aînés ont titres et fortune, il a destiné Edmond à l’Église. Le jeune homme jouira ainsi de plusieurs bénéfices dont dispose le châtelain de Mansfield. En mariant sa fille aînée, Sir Thomas envisage à la fois la situation que Maria gagnera en épousant Mr. Rushworth et les avantages « d’une alliance dont les Bertram tireront un surcroît de considération et d’influence ». En un mot, il est chef de clan et tache de favoriser les intérêts de la famille tout entière aussi bien que ceux de chacun de ses membres.

Mais un tel personnage, si pénétré de sa responsabilité, est une figure exceptionnelle dans le roman comme dans la vie. Trop souvent, le chef de famille est plus soucieux de jouir de ses privilèges que de remplir ses devoirs. Alors la famille tout entière souffre. Elle voit sa dignité diminuée et parfois sa fortune compromise. Les pères égoïstes, incapables ou prodigues, dont l’humour de Jane Austen souligne à maintes reprises les faiblesses sont coupables envers la société comme envers leurs proches. Mr. Bennet, dont l’esprit caustique et clairvoyant a depuis longtemps mesuré la vanité et la sottise du caractère de sa femme, néglige d’affirmer son autorité. Indolent et désabusé, il ne ferait de lui-même aucun effort pour assurer à Lydia un mariage honorable. Sans l’heureuse intervention d’un étranger, son indifférence causerait le malheur d’une de ses filles et peut-être même de toutes. Mr. Woodhouse, avec aussi peu d’esprit que de santé, mais une bonté et une courtoisie parfaites, n’est pour Emma ni un ami ni un guide. Il est tout simplement un vieil enfant dont il faut supporter les petits travers ou les douces manies. Par la faute de son père.