Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/363

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qu’elle aime. Cette action, suivant qu’elle est envisagée au point de vue de la morale puritaine juste et saine dans son austérité un peu exagérée, ou au point de vue de la morale facile des gens du monde aristocratique, peut être qualifiée de crime ou de peccadille. Pour Sir Thomas, il n’y a pas de compromis possible entre le bien et le mal, pas de voie moyenne entre la fidélité conjugale et l’infidélité, pas de possibilité de regagner jamais une bonne réputation lorsqu’on a ouvertement « vécu dans l’inconduite ». Pareil au révérend Primrose qui part pour Londres en apprenant la fuite d’Olivia afin d’« empêcher sa fille de persévérer dans son péché », [1] Sir Thomas Bertram, à la nouvelle du départ de Maria, quitte Mansfield pour arracher l’épouse infidèle « à la honte et au crime ». À ses yeux, les mots de « faute » et de « péché » n’ont pas conservé la valeur théologique qu’ils avaient trente-cinq ans plus tôt pour le pasteur Primrose, mais s’il juge la conduite de sa fille au point de vue social et non plus au point de vue religieux, il ne la condamne que plus sévèrement. Miss Crawford, vivant dans un monde où, suivant Mr. Price, « tant de belles dames jettent leur bonnet par-dessus les moulins », excuse la faute de Maria. Elle qualifie de folie la conduite de son frère et regrette surtout « que l’affaire ait été ébruitée ». Sir Thomas et les siens, au contraire, s’indignent d’une pareille indulgence. « On décidera Henry à épouser Maria, dit Miss Crawford, et une fois mariée, elle pourra reprendre sa place dans le monde. Une certaine partie de la société lui sera désormais fermée, elle devra s’y attendre, mais si elle donne d’assez bons dîners et reçoit beaucoup, il ne manquera pas de gens qui seront ravis devenir chez elle ». [2] Cette sagesse facile de mondains qui ne prennent pas au tragique les aventures galantes et dont la moralité consiste, non point à blâmer les fautes de ce genre mais à regretter qu’elles ne demeurent pas secrètes, parait aux Bertram

  1. Le Vicaire de Wakefield. Chap. XVII.
  2. Le Château de Mansfield. Chap. XLVII.