Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/389

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ence d’une Façon originale, neuve et surtout prοfondément vraie. Jusque-là, l’amour avait été envisagé dans les romans de Richardson et de Fielding aussi bien que dans ceux de Miss Burney ou de Mrs. Radcliffe, sous les deux principaux aspects qu’il revêt dans la vie des hommes et non pas tel qu’il apparaît aux yeux d’une femme. Sentiment idéalisé ou passion, il avait été représenté, même par les romancières, tel que l’avaient conçu et analysé les grands maîtres du roman au commencement du xviiie siècle. Dans « Evelina », Miss Burney n’avait pas songé à s’écarter de la traditionnelle peinture de l’amour qui, depuis « Clarissa », faisait le fond du roman sentimental ou romanesque. Son œuvre si vraiment féminine par d’autres côtés ne l’est guère, — si ce n’est par sa délicatesse et sa réserve, — sur ce point essentiel qu’est la peinture de l’amour. Peut-être parce que l’auteur savait juger des actions plutôt que des caractères et qu’elle était plus capable de reproduire le langage, le geste, l’attitude de ses personnages que d’étudier les mouvements de leur âme, la psychologie, et surtout la psychologie de l’amour, est absente d’« Evelina » et de « Cecilia ». Les héroïnes de Miss Burney peuvent, il est vrai, éprouver de tendres sentiments et sont aussi habiles à repousser les avances d’un soupirant qui leur déplaît qu’elles excellent à encourager celui qui a gagné leur cœur. Mais nous ne voyons là rien qui dépasse un adroit manège ou une innocente ruse. Nous ignorons le plus important, les motifs qui guident une jeune fille dans le choix d’un fiancé, les raisons du cœur et de l’intelligence qui l’entraînent vers l’amour.

Éprise d’un bel inconnu dès la première rencontre. Evelina, comme Clarissa, comme Sophia Western, est simplement amoureuse de l’amour. La vérité, que Jane Austen nous montre la première, est que les femmes envisagent l’amour d’une tout autre façon. Étudiant du dedans l’âme féminine, Jane Austen n’hésite pas à la peindre telle qu’elle est. Elle la dépouille sans regret des qualités fictives dont l’homme se plaît à la parer quand il formule à