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qu’il n’y a plus rien à dire ni à souhaiter et, tel un Don Juan dont les victoires seraient toutes platoniques, part à la recherche de quelque objet nouveau. Dans son désespoir, Maria est soutenue par l’orgueil : « Après trois ou quatre jours, ne recevant de lui ni une visite, ni une lettre, ni un message, son esprit se rasséréna assez pour envisager l’apaisement que l’orgueil et la joie de la revanche pouvaient lui procurer. Henry Crawford avait détruit à jamais son bonheur, mais il n’aurait pas la satisfaction de l’apprendre… Il lui serait impossible de penser à Maria attendant en vain son retour dans la solitude de Mansfield et renonçant à Sothernon, à Londres, à l’indépendance et à l’opulence à cause de lui… Elle voulait maintenant échapper à Mansfield et à tous ses souvenirs aussitôt que possible et trouver dans la fortune, dans la considération et les divertissements du monde, un adoucissement à sa blessure… Sa résolution était prise, du moins sur tous les points importants, car elle était préparée au mariage par le dégoût de la maison paternelle, l’horreur de toute contrainte et d’une vie paisible, par la douleur d’un désespoir d’amour et par son mépris pour celui qu’elle allait épouser. Le reste pouvait attendre… » [1]

Maria Bertram, devenue Mme Rushworth, sait bien qu’Henry Crawford, même au moment où il la courtisait avec le plus d’empressement, ne cherchait auprès d’elle qu’une distraction. Une fois mariée, elle apprend qu’Henry Crawford est très sincèrement épris de Fanny Price. L’orgueil blessé, la passion peut-être, mais non pas l’amour, suggèrent à l’altière Maria l’idée d’attirer de nouveau le jeune homme. Cette fois, elle calcule toutes ses chances de succès; elle joue la froideur et l’indifférence pour piquer au jeu l’infidèle, et faire naître en lui — malgré qu’il reste attaché à Fanny — un caprice. Bientôt, Maria, dont l’intrigue n’est plus ignorée que de son mari, oblige Henry à partir avec elle pour l’Écosse. L’orgueil et la rancune de

  1. Le Château de Mansfield. Chap. XXI.