Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/403

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devoir envers les autres s’accompagne toujours d’un devoir envers soi-même et que celui-ci est d’une importance peut-être aussi grande que le premier. Aussi une jeune fille, en consentant à épouser un homme qu’elle sait indigne ou inférieur à elle, parce qu’il lui assurera une situation brillante ou aisée manque-t-elle, en dépit de toutes les apparences contraires, à un devoir essentiel. Le mariage auquel elle consent, qu’elle a désiré même, devient un marché dont elle ne pourra jamais retirer les avantages espérés. Elle aura pour le conclure refusé d’écouter la voix du bon sens et se sera laissée entraîner par une vaine ambition ou par la crainte de devenir « une vieille fille ridicule et désagréable ». Tôt ou tard, le bon sens prendra sa revanche. Elle jugera alors que c’est avoir acheté bien cher la situation et le nom de femme mariée que d’être condamnée à vivre toute une vie aux côtés d’un homme avec lequel elle n’a aucune communauté d’idées, de goûts et de sympathies. Elizabeth Bennet se refuse à devenir la femme de Mr. Collins tandis que Charlotte Lucas manœuvre de façon à prendre bientôt possession du cœur dédaigné de l’excellent jeune homme. Charlotte annonce ses fiançailles à Elizabeth, et, ne doutant pas que son amie s’étonne et la blâme, elle se croit obligée de lui expliquer les raisons qui lui ont fait accepter la demande de Mr. Collins : « Je pense que vous êtes surprise, très surprise, dit-elle, d’autant plus que, il y a si peu de temps encore, Mr. Collins souhaitait vous épouser. Mais quand vous aurez eu le loisir de réfléchir à cette affaire, je crois que vous ne serez pas mécontente de ma façon d’agir. Vous le savez, je ne suis pas romanesque et ne l’ai jamais été. Je ne demande rien de plus qu’un établissement convenable et, d’après ce que je sais du caractère, de la famille et de la position de Mr. Collins, je suis persuadée que j’ai autant de chances d’être heureuse avec lui qu’en ont la plupart des gens en se mariant ». En quelques petits traits expressifs et rapides, car Jane Austen se contente de suggérer la leçon qu’on peut tirer d’un mariage