Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

était assez petite, mais bien bâtie et commode. Tout y était arrangé avec un soin et un goût dont Elizabeth attribua tout le mérite à Charlotte. Quand on pouvait oublier Mr. Collins, la maison avait vraiment bon air, et comme Charlotte semblait aussi le penser, Elizabeth supposa qu’on devait souvent l’oublier ».

Lorsque Mme Collins passe une matinée à des travaux d’aiguille, elle s’installe dans une petite chambre. Elizabeth s’étonne tout d’abord que son amie ne préfère pas travailler dans la salle à manger, plus grande et bien mieux exposée. Son étonnement ne dure pas : « Elle vit bientôt que Charlotte avait de fort bonnes raisons pour agir de la sorte, Mr. Collins aurait certainement passé moins de temps dans son cabinet, si sa femme s’était installée dans une pièce tout aussi gaie. Elle pensa donc que cet arrangement était dû à la prévoyance de Charlotte ». En quittant les Collins, Elizabeth se dit « qu’il est bien triste de laisser la pauvre Charlotte en cette compagnie qu’elle a pourtant choisie de son plein gré ». Elle prévoit que l’existence de la jeune femme sera plus triste encore lorsque sa maison, son jardin et toutes ses occupations domestiques auront perdu à ses yeux le charme de la nouveauté.

Par un de ces souples retours qui permettent à la morale anglaise de s’adapter aux contradictions, à l’apparent illogisme de certains aspects et de certaines formes du réel, Jane Austen, en étudiant au point de vue féminin la question du mariage, blâme un choix uniquement guidé par l’intérêt mais admet qu’une jeune fille, dont le cœur s’était donné à un autre, épouse un homme pour lequel elle pourra avoir, à défaut d’amour, quelque peu de sympathie. De même que, dans la vie matérielle, l’individu est constamment obligé de céder de ses exigences et de se plier aux désirs ou aux volontés de ceux qui l’entourent, il y a des compromis subtils dans les questions de dignité, de sentiment et de situation qu’une femme doit envisager avant le mariage. D’un côté, le mariage sans amour est un indigne marché, bien plus, un marché de dupe ; de l’autre, le