Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est laissée à notre imagination. S’il flotte sur chaque page un parfum de jeunesse et de grâce féminine, si nous connaissons toujours, et dans ses plus subtiles nuances, la couleur de la pensée et de l’humeur d’une Elizabeth et d’une Emma, nous ne savons rien de l’élégance de leurs atours ou de hi couleur de leurs robes.


Une expérience large et nombreuse semble être la condition nécessaire d’une étude psychologique qui ne se réduit point aux limites d’une confession, d’une autobiographie plus ou moins sincère. Le romancier qui ne posséderait de la vie et des hommes qu’une expérience restreinte s’exposerait, semble-t-il, à faire une œuvre fausse aussi bien qu’incomplète. Comment pourrait-il comprendre le sens profond de la réalité, donner à ses personnages une âme vraiment humaine et que la nôtre puisse reconnaître, s’il ne regardait de la vie que certains aspects et ne soupçonnait pas l’infinie variété de ses formes ? Si, faute d’une expérience assez étendue, il manquait de points de comparaison, ne risquerait-t-il pas de donner une trop grande importance à certaines particularités et de négliger, dans l’étude d’un caractère, des traits essentiels ? Aussi, une œuvre comme celle de Jane Austen, œuvre d’une femme dont l’expérience ne dépassa jamais le cercle de famille le plus étroit, offre-t-elle au point de vue psychologique, une sorte d’énigme.

Tableau de mœurs contemporaines, étude d’une classe très nettement définie de la société, peinture de la seule « gentry », de ses usages et de sa vie, ce roman nous présente des êtres et des choses d’autant mieux connus de l’auteur qu’ils l’étaient plus exclusivement. Mais l’étude psychologique qui fait le fond de ce roman ne suppose-t-elle pas par sa justesse, sa fine et pénétrante vision de la réalité intérieure quelque chose qui serait du, non pas à l’effort patient d’un esprit attentif, mais à une sorte d’intuition ? Et d’abord, s’il n’y avait pas là d’intuition ni rien de cette divination de