Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/467

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mais je n’écris point pour des esprits si lourds qu’ils ne sacchent me comprendre. Le second volume est plus court que je ne l’aurais souhaité, mais cette différence est plutôt apparente que réelle, puisque cette partie comporte plus de narration ». [1]

Comment Jane Austen, dont la formule artistique et les procédés de composition se rattachent plus étroitement au théâtre qu’au roman n’écrivit-elle pas de comédie, et pourquoi, depuis cette esquisse intitulée « Le Mystère », qui date de sa première jeunesse, ne composa-t-elle plus rien dans ce genre ? Plus que par tout autre chose, Jane Austen fut préservée de l’envie d’écrire pour le théâtre par la réserve naturelle à une jeune fille de son milieu, réserve qu’elle poussait presque jusqu’au scrupule et qui, à en juger par un passage du « Château de Mansfield », ne diminua point avec les années.

« Allons, Edmond, dit Julia, ne soyez pas si insupportable. Personne ne jouit plus que vous d’une bonne pièce et ne peut avoir fait plus de chemin pour en voir une. — C’est vrai, mais c’était pour voir de vrais acteurs, rompus à tous les secrets de leur métier. Je n’irais pas de cette pièce à l’autre pour voir les efforts maladroits de gens qui ne savent rien du théâtre, pour voir des hommes et des femmes du monde lutter, en jouant la comédie, contre toutes les restrictions que leur imposent leur éducation et les règles de la bienséance. »

Une femme du rang de Jane Austen peut jouir vivement du plaisir que procure le talent de Kean, de Kemble ou de Mrs. Siddons, mais « l’éducation et les règles de la bienséance », qui lui interdisent de monter sur la scène, lui défendent également d’écrire des œuvres qui ne sauraient être données au public d’une façon aussi discrète, aussi anonyme qu’un roman. Une dame, « a lady », peut envoyer à un éditeur le manuscrit d’un roman sans renoncer au secret qui est de mise en pareille occurrence. Et si cette œuvre est composée, comme les trois premiers romans

  1. Memoir, page 97. Chawton, 29 janvier 1813.