Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/495

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ques. Catherine, en descendant de voilure sous une pluie battante, « n’a qu’une pensée : protéger de l’ondée son chapeau de paille tout neuf ». Oubliant les sombres pressentiments qui doivent assaillir une héroïne au seuil d’une antique et vénérable demeure, elle franchit le seuil sans songer aux scènes d’horreur dont les vieux murs ont, sans doute, jadis été témoins. Le vent souffle. Il devrait lui apporter dans ses gémissements un sinistre écho de cris de détresse ou un lugubre avertissement : il n’apporte aux voyageurs rien autre que de la pluie tombant en larges gouttes pressées. Cependant, Catherine ne doute pas d’avoir bientôt la joie d’assister à quelques-unes des scènes qui, dans l’œuvre de Mrs. Radcliffe, se déroulent toujours dans le cadre romantique d’un ancien couvent ou d’un vieux château. Lorsque, après le souper, on entend la tempête souffler avec violence, Catherine reconnaît là le présage d’une nuit terrible. Elle comprend que, malgré les attentions dont ses hôtes l’entourent, en dépit des lumières, de la claire flambée dans une cheminée à la nouvelle mode, de la table bien dressée, du luxe et de l’élégance qui règnent chez les Tilney, elle est à l’abbaye de Northanger et non dans une maison moderne. Le sifflement de la tempête fait renaître en son cœur une foi entière aux descriptions de ses romans préférés. En effet, toutes les demeures en ruines, tous les châteaux dont les murs abritent de redoutables secrets ne sont jamais baignés, aux heures tragiques, d’une autre lumière que celle du clair de lune; à défaut de cet éclat mystérieux et glacé, ils sont environnés d’épaisses ténèbres qu’animent la voix de l’orage et la plainte du vent.

Catherine se sent encouragée à découvrir au moins quelques épisodes de l’histoire de Northanger ; elle commence, dès le premier soir, à pénétrer les secrets de la maison, à chercher la trace des crimes commis jadis à l’abbaye. Un grand coffre de cèdre, que ferme une lourde serrure d’argent noirci par les années, contient sans doute quelques bijoux, des fleurs fanées, un portrait : elle soulève