Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/513

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Mais, à partir de 1811, le succès lui vint et sous l’aspect le plus agréable aux yeux de celle qui tenait, avant tout, à sa qualité de femme du monde. Appréciée par un public restreint mais choisi, recevant des témoignages d’admiration sincère mais discrète, comprise et goûtée de ceux-là même qui lui avaient fourni le sujet de ses romans et auxquels son œuvre était adressée,Jane Austen goûta, pendant ses dernières années, un succès qui lui fut plus précieux que la plus grande et la plus éclatante célébrité. Depuis, et surtout pendant la seconde moitié du xixe siècle, la renommée de Jane Austen a constamment grandi. Touteiois une chose est demeurée la même pour la postérité comme pour les contemporains de l’auteur : « Orgueil et Parti pris », « Emma », « Le Château de Mansfield », sont des œuvres qui ne plaisent vivement et ne peuvent plaire qu’à un certain public. Il faut, pour saisir le charme subtil qui se dégage de ces romans, apporter à leur lecture plus que l’attention avertie qu’on met à étudier une œuvre d’art, plus aussi que la sympathie et l’intelligence nécessaires pour arriver à goûter telle ou telle forme de l’humour. Il faut, un moment du moins, accepter une vision de la société et de la vie que beaucoup peuvent juger égoïste et étroite. L’assurance inébranlable que Jane Austen met à exprimer son approbation de la vie et des conditions sociales qu’elle dépeint, son refus implicite de jamais considérer digne de son attention une autre classe que la sienne, son mépris de tout ce qui, dans le domaine du sentiment ou dans celui de la vie extérieure, dépasse la réalité moyenne, éloignent d’elle les lecteurs qui demandent au roman une force, une passion que seules peuvent lui donner les révoltes du cœur ou de l’intelligence. Œuvre d’un auteur qui cherche à fixer certains aspects d’une réalité qu’elle aime et observe avec un intérêt toujours en éveil, le roman de Jane Austen, aujourd’hui comme il y a près d’un siècle, plaît à ceux qui regardent la vie d’un œil ami et savent s’en divertir un instant sans lui poser aucune des questions par où s’expriment l’angoisse et l’éternelle inquiétude du cœur humain.