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brun de la montaigne

Brun trova moult pensis en la sale pavée,
3845Et dit : « Venez avant, amis, s’il vous agrée :
(v°)« Hui toute jour me sui pour vous escervelée,
« J’ai vo besoigne tant forgie et maçonnée
« Que vous avrés briesment amie et bien amée. »
Et quant Brun l’entendi, s’a la couleur muée,
3850Et amoureussement a la dame acolée,
Et li dit doucement : « Haute dame honorée,
« Pour quoy avés esté traveill[i]e et penée ?
« Dites, pour Dieu, comment ma besoigne est alée ;
« Car vous avés de moy moult esté desirée.
3855— Foy que je doy vous, Brun, j’ai la dame trouvée
« Ou elle se gissoit trestoute eschevelée,
« Et s’a de moy esté si trés bien escolée
« Qu’elle puet par raison bien estre enamourée.
« Par moy li a esté vo besoigne comptée,
3860« Et elle a respondu qu’elle en ert avissée,
« Mais qu’a li descouvrés tout avant vo pensée.
« Vous savés que mercis ne doit estre donnée
« De dame jusqu’a dont que d’amant est rouvée. »

CCXXI[1]

Ainsi conforta Brun la dame doucement,
3865Et li dist qu’il desist a la dame briesment
Comment et nuit et jour amour pour li s’esprent.
Gaires ne demoura après ce longuement
Que la dame gentix au gracïeus cors gent
Qui tenoit ou païs terres moult largement,
3870Du Muable manoir ausi le tenement,
De sa chambre issi hors moult gracïeussement,
Et quant Brun la choisi il sembla proprement
(f° 82)Que ses vïaires fust embrassés ardenment,
Car je croy qu’il mua en couleurs plus de cent,
3875Et si estoit espris trés amoureussement.

  1. — 3866. Corr. l’esprent ? — 3874. croy, ms. voy.