Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
Les aventures

réduit, étoit stérile, & j’avois tout lieu de croire qu’il n’y avoit point d’habitans, à moins que ce ne fussent des bêtes féroces ; je n’en voyois cependant aucune, mais bien quantité d’oiseaux, dont je ne connoissois ni l’espèce, ni l’usage que j’en pourrois faire, quand je les aurois tués. En revenant de-là, je tirai un oiseau fort gros, que je vis posé sur un arbre au bord d’un grand bois : je crois que c’étoit le premier coup de fusil qui eût été tiré dans ce lieu-là depuis la création du Monde. Je ne l’eus pas plutôt lâché, qu’il s’éleva de tous les endroits du bois, un nombre presqu’infini d’oiseaux de plusieurs sortes, avec un bruit confus, causés par les cris & les piaulemens différens qu’ils faisoient chacun selon leur espèce qui m’étoit entièrement étrangère. Quant à l’oiseau que je tuai, je le pris pour une sorte d’épervier ; car il en avoit la couleur & le bec ; mais non pas les éperons ni les serres ; sa chair étoit comme de la charogne, & ne valoit rien du tout.

Content de cette découverte, je revins à mon radeau, & me mis à travailler pour le décharger. Ce travail m’occupa le reste du jour, & la nuit étant venue, je ne savois que faire de ma personne, ni quel lieu choisir pour reposer ; car je n’osois dormir à terre, ne sachant si des bêtes féroces ne pourroient pas venir me dévorer ;