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Les aventures

pour reconnoître, autant que je pourrois, ce que l’Isle produisoit. La première fois que je sortis, je reconnus bientôt qu’il y avoit des boucs, ce qui me causa beaucoup de joie mais cette joie fut tempérée par une circonstance mortifiante pour moi ; c’est que ces animaux étoient si sauvages, si rusés, & si légers à la course, qu’il n’y avoit rien au monde de plus difficile que de les approcher. Cette difficulté ne me découragea pourtant pas, ne doutant nullement que je n’en pusse tirer de tems en tems, comme il arriva en effet bientôt après ; car lorsque j’eus remarqué leurs allées & leurs venues, voici comment je m’y pris. J’observai que lorsque j’étois dans les vallées, & que je les voyois sur les rochers, ils prenoient d’abord l’épouvante, & s’enfuyoient tous avec une vîtesse extrême : mais s’ils étoient à paître dans les vallées, & que je fusse sur les rochers, ils ne remuoient pas, ni ne prenoient pas seulement garde à moi. De-là je conclus que par la position de leur optique, ils avoient la vue tellement tournée en bas, qu’ils ne voyoient pas aisément les objets qui étoient élevés au-dessus d’eux : ce qui fut cause que dans la suite je pris la méthode de commencer ma chasse par monter toujours sur les rochers, afin d’être plus haut placé qu’eux, & alors j’en tirois souvent à plaisir. Du premier coup que je tirai fur ces animaux,