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Les aventures

C’est alors que je regrettai mon garçon Xuri, & le grand bateau qui cingloit avec une voile latine, ou triangulaire, & sur lequel j’avois navigué environ onze cent milles, le long des côtes d’Afrique : mais ces regrets n’aboutissoient à rien : & il me vint en pensée d’aller visiter la chaloupe de notre bâtiment, laquelle après notre naufrage avoit été portée par la tempête bien avant sur le rivage, comme je l’ai déjà dit. Je la trouvai cette seconde fois, à peu-près dans la même situation, quoiqu’un peu plus loin que la première ; & elle étoit presque tournée sans dessus dessous, flanquée contre une longue éminence de gros sable, où la violence des vents & des flots l’avoit portée, & laissée tout-à-fait à sec.

Si j’avois eu quelqu’un pour m’aider à la radouber, & la lancer ensuite dans la mer, elle m’auroit bien pu servir, & me porter aisément au Brésil ; mais j’aurois dû prévoir qu’il m’étoit aussi impossible de la retourner & de la poser sur sa quille, que de remuer l’île. Quoi qu’il en soit, je m’en allai dans les bois, où je coupai des léviers & des rouleaux que j’apportai à l’endroit du bateau, résolu d’essayer ce que je pouvois faire, me persuadant que si je le pouvois une fois dégagé de là, il ne me seroit pas difficile de réparer les dommages qu’il avoit reçus, & d’en faire un bon bateau, avec lequel je pourrois sans scrupule me hasarder sur mer.