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Les aventures

qu’au branchage. Ce ne fut pas sans un travail immense que j’abattis cet arbre ; car je fus assidu pendant vingt jours à hacher & à tailler au pied. Je fus quinze jours de plus à l’ébrancher & en trancher le sommet vaste & spacieux ; à quoi j’employai haches & bisaigues, & tout ce que la charpenterie me pouvoit fournir de plus puissant, joint à toute la vigueur dont j’étois capable. Il me coûta un mois de travail à le façonner, & à le raboter avec mesure & proportion, afin d’en faire quelque chose de semblable au dos d’un bateau, tellement qu’il pût flotter droit & comme il faut. Je ne mis guères moins de trois mois à travailler le dedans, & à le creuser jusqu’au point d’en faire une parfaite chaloupe. Je vins même à bout de ce dernier article, sans me servir de feu & d’aucune voie que celle du marteau, du ciseau, & d’une assiduité que rien ne pouvoit ralentir, jusqu’à ce que je me visse possesseur d’un canot fort beau, & assez grand pour porter vingt six hommes, & par conséquent suffisant pour moi & toute ma cargaison.

Quand j’eus achevé cet ouvrage, j’en ressentis une joie extrême ; & à la vérité c’étoit le plus grand canot, ou la plus belle gondole que j’eusse vue de ma vie, bâtie d’une seule pièce. Mais aussi je vous laisse à penser combien de rudes coups j’avois été obligé de frapper. La seule chose qui me res-