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Les aventures

de bonnes instructions ; ils n’avoient rien épargné dès ma plus tendre jeunesse pour insinuer dans mon ame des sentimens de religion & de christianisme, une sainte vénération pour tout mes devoirs, une connoissance parfaite de la fin à laquelle j’avois été destiné par l’auteur de la nature dans ma création. Mais pour mon malheur j’avois embrassé trop tôt la vie de marinier, qui est de tous les états du monde clui où l’on a moins la crainte de Dieu en vue, quoiqu’on y ait plus de sujet de le craindre. Je dis donc que la mer & les matelots que je fréquentai dès ma première jeunesse, les railleries profanes & impies de mes commensaux, le mépris des dangers, lesquels j’affrontois de gaieté de cœur, la vue de la mort, avec laquelle je m’étois familiarisé par une longue habitude, l’éloignement de toute occasion, ou de converser avec d’autres personnes que celles de ma trempe, ou d’entendre dire quelque chose qui fût bon ou qui tendît au bien ; tant de choses, dis-je, compliquées ensemble, étouffèrent en moi toute semence de religion.

Je songeois si peu, soit à ce que j’étois actuellement, soit à ce que je devois être un jour, & mon endurcissement étoit tel, que dans les plus merveilleuses délivrances dont le ciel me favorisoit, comme lorsque je m’échappai de Salé, lorsque je fus reçu en haute mer par le capitaine