Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
318
Les aventures

des moyens que la raison même leur offre pour les secourir. Je me proposai d’abord de jeter à bas mes enclos, de faire rentrer dans les bois mon troupeau apprivoisé, & d’aller chercher dans un autre coin de l’île des commodités pareilles à celles que je voulois sacrifier à ma conservation. Je résolus encore de renverser ma maison de campagne & ma hutte, & de bouleverser mes deux terres couvertes de bled, afin d’ôter aux sauvages jusqu’aux moindres soupçons capables de les animer à la découverte des habitans de l’île.

C’étoit-là le sujet de mes réflexions pendant la nuit suivante, quand les frayeurs qui avoient saisi mon ame étoient encore dans toute leur force. C’est ainsi que la peur du danger est mille fois plus effrayante que le danger lui-même, quand on le considère de près ; c’est ainsi que l’inquiétude que cause un mal éloigné, est souvent infiniment plus insupportable que le mal même. Ce qu’il y avoit de plus affreux dans ma situation, c’est que je ne tirai aucun secours de la résignation qui m’avoit été autrefois si familière. Je me considérai comme un autre Saül, qui se plaignoit non-seulement que les Philistins étoient sur lui, mais encore que Dieu l’avoit abandonné : je ne songeois point à me servir des véritables moyens de me tranquilliser, en criant