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de Robinson Crusoé.

je m’arrêtai tout court comme un homme frappé de la foudre ; & quand j’eus repris mes sens, j’élevai mes yeux au ciel, & le cœur attendri, les yeux pleins de larmes, je rendis graces à dieu de ce qu’il m’avoit fait naître dans une partie du monde éloignée d’un si abominable peuple. Je le remerciai de ce que dans ma condition que j’avois trouvée misérable, il m’avoit donné tant de différentes consolations sur-tout celle de le connoître & d’avoir lieu d’espérer en ses bontés ; félicité qui contrebalançoit abondamment toute la misère que j’avois soufferte, & que je pouvois souffrir encore.

L’ame pleine de ces sentimens de reconnoissance, je revins chez moi plus tranquille que je n’avois été auparavant, parce que je remarquois que ces misérables n’abordoient jamais l’isle dans le dessein de s’y mettre en possession de quelque chose, n’ayant pas besoin d’y rien chercher, ou ne s’attendant pas apparemment d’y trouver grand chose, en quoi ils étoient peut-être confirmés par les courses qu’ils pouvoient avoir faites dans les forêts.

J’avois déjà passé dix-huit ans sans rencontrer personne, & je pouvois espérer d’en passer encore avec le même bonheur, à moins de me découvrir moi-même, (ce qui n’étoit nullement mon dessein,) & de trouver l’occasion de faire