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de Robinson Crusoé.

volonté & même contre les ordres de mon père, & me rendoit si sourd aux remontrances & aux sollicitations pressantes de ma mère, & de tous mes proches, qu’il sembloit qu’il y eût une espèce de fatalité qui m’entraînoit secrettement vers cet état de souffrance & de misère où je devois tomber. Mon père qui étoit un sage & grave personnage, me donna d’excellens avis pour me faire renoncer à un dessein dont il voyoit bien que je m’étois entêté. Un matin, il me fit venir dans sa chambre où il étoit confiné à cause de la goutte ; & il me parla fortement sur ce sujet. Il me demanda quelle raison j’avois, ou plutôt qu’elle étoit ma folle envie, de vouloir quitte la maison paternelle, & ma patrie, où je pouvoir avoir de l’appui, & une belle espérance de pousser ma fortune par mon application & par mon industrie, & cela en menant une vie commode & agréable. Il me disoit qu’il n’y avoit que deux sortes de gens, les uns dénués de tout bien & sans ressource, les autres d’un rang supérieur & distingué, à qui il appartient de former de grandes entreprises, afin de s’élever, & de se rendre fameux par une route peu frayée ; que ce parti étoit de beaucoup trop au-dessus, ou trop au-dessous de moi ; que mon état étoit mitoyen, ou tel qu’on pouvoit l’appeler le premier étage de la vie