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de Robinson Crusoé.

d’artimon s’étoient brisé par la base ; mais le beaupré étoit resté en bon état, & paroissoit ferme vers la pointe de l’éperon.

Lorsque j’en étois tout près, un chien parut sur le tillac, me voyant venir, il se mit à crier & à aboyer. Dès que je l’appelai, il sauta dans la mer, & je l’aidai à entrer dans ma barque : le trouvant à moitié mort de faim & de soif, je lui donnai un morceau de mon pain qu’il engloutit comme un loup qui auroit langui pendant quinze jours dans la neige ; je lui fis boire ensuite de mon eau fraîche, & si je l’avois laissé faire, il se seroit crevé.

Le premier spectacle qui s’offirt à mes yeux dans le vaisseau, étoient deux hommes noyés dans la chambre de proue, qui se tenoient embrassés l’un l’autre. Il est probable que lorsque le bâtiment toucha, la mer y étoit entrée si abondamment, & avec tant de violence, que ces pauvres gens en avoient été étouffés, de même que s’ils eussent été continuellement sous l’eau.

Excepté le chien, il n’y avoit rien de vivant dans tout le bâtiment, & presque toute la charge me parut abîmée par l’eau : je vis pourtant quelques tonneaux remplis apparemment de vin ou d’eau-de-vie ; mais ils étoient trop gros pour en tirer le moindre usage. Il y avoit encore plusieurs coffres ; j’en mis deux dans ma chaloupe, sans