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Les aventures

attrapé de nécessité, à moins que de la passer à la nâge ; mais quand il fut venu jusques là, il ne s’en mit pas fort en peine, & quoique la marée fut haute alors, il s’y jeta à corps perdu, gagna l’autre bord dans une trentaine d’élans tout au plus, après quoi il se remit à courir avec la même force qu’auparavant. Quand ses trois ennemis vinrent dans le même endroit, je remarquai qu’il n’y en avoit que deux qui sussent nâger, & que le troisième, après s’être arrêté un peu sur le bord, s’en retourna à petits pas vers le lieu du festin, ce qui n’étoit pas un petit bonheur pour celui qui fuyoit. J’observai encore que les deux qui nâgeoient mettoient à passer cette eaux le double du tems que leur prisonnier y avoit employé.

Je fus alors pleinement convaincu que l’occasion étoit favorable pour m’acquérir un compagnon & un domestique, & que j’étois appelé évidemment par le ciel à sauver la vie du misérable en question. Dans cette persuasion je descendis précipitamment du rocher, pour prendre mes fusils, & remontant avec la même ardeur, je m’avançais vers la mer ; je n’avois pas grand chemin à faire, & bientôt je me jetai entre les poursuivans, & le poursuivi, en tâchant de lui faire entendre par mes cris de s’arrêter. Je lui fit encore signe de la main ; mais je crois qu’au