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Les aventures

de la manière la plus propre à le rassurer, il s’y hasarda en se mettant à genoux à chaque dix ou douze pas, pour me témoigner sa reconnoissance. Pendant tout ce tems je lui souriois aussi gracieusement qu’il m’étoit possible. Enfin, étant arrivé auprès de moi, il se jette à mes genoux, il baise la terre, il prend un de mes pieds & le pose sur sa tête, pour me faire comprendre sans doute qu’il me juroit fidélité, & qu’il me faisoit hommage en qualité de mon esclave. Je le levai de terre en lui faisant des caresses pour l’encourage de plus en plu ; mais l’affaire n’étoit pas encore finie ; je vis bientôt que le sauvage, que j’avois fait tomber d’un coup de crosse, n’étoit pas mort, & qu’il n’avoit été qu’étourdi ; je le fis remarquer à mon esclave qui, là-dessus, prononça quelques mots que je n’entendis pas, & qui ne laissèrent point de me charmer, comme le premier son d’une voix humaine qui avoit frappé mes oreilles depuis vingt-cinq ans.

Mais il n’étoit pas tems encore de m’abandonner à ce plaisir ; le sauvage en question avoit déjà assez repris de forces pour se mettre sur son séant, & la frayeur recommença à paroître dans l’air de mon esclave ; mais dès qu’il me vit faire mine de lâcher mon second fusil sur ce malheureux, il me fit entendre pas signes qu’il souhaitoit de m’emprunter mon sabre, ce que je lui accordai. A peine