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Les aventures

& les flèches du mort ; & moi, résolu de m’en aller, je lui ordonne de me suivre, en lui faisant entendre que je craignois que les sauvages ne fussent bientôt suivis d’un plus grand nombre.

Il me fit signe ensuite qu’il alloit les enterrer, de peur qu’ils ne nous découvrissent ; je le lui permis, & dans un instant il eut creusé deux trous dans le sable, où il les enterra l’un après l’autre. Cette précaution prise, je l’emmenai avec moi, non dans mon château, mais dans la grotte que j’avois plus avant dans l’île ; ce qui démentit mon songe, qui avoit donné mon bocage pour asyle à mon esclave.

C’est dans cette grotte que je lui donnai du pain, une grappe de raisins secs, & de l’eau dont il avoit sur-tout grand besoin, étant fort altéré par la fatigue d’une si longue & si rude course. Je lui fit signe d’aller dormir, en lui montrant un tas de paille de riz, avec une couverture qui me servoit de lit assez souvent à moi-même.

C’étoit un grand garçon bien découplé, de vingt-cinq ans à-peu-près ; il étoit parfaitement bien fait : tous ses membres, sans être fort gros, marquoient qu’il étoit adroit & robuste ; son air étoit mâle, sans aucun mêlange de férocité : au contraire, on voyoit dans ses traits, sur-tout quand il sourioit, cette douceur & cet agrément qui est particulier aux Européens. Il n’avoit pas