Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
Les aventures

ner l’occasion de s’appercevoir eux-mêmes de l’excellence de leur nature.

Cette réflexion me rendoit fort mélancolique, quand je songeois jusqu’à quel point nous nous servons nous-mêmes de toutes les facultés de notre raison, quoiqu’éclairés par l’esprit de Dieu & par la connoissance de sa parole ; & je ne pouvois pas comprendre pourquoi la providence avoit refusé le même secours à tant de millions d’ames qui en auroient fait un meilleur usage de nous, si j’en puis juger par la conduite de mon sauvage. Ma raison étoit quelquefois assez égarée pour s’en prendre à la souveraineté de Dieu même, ne pouvant pas concilier, avec la justice divine, cette disposition arbitraire de la providence, qui éclaire l’esprit des uns, laisse celui des autres dans les ténèbres, & exige pourtant de tous les deux les mêmes devoirs. Tout ce que je pouvois imaginer pour me tirer de cette difficulté embarrassante, c’est que Dieu étant infiniment saint & juste, ne puniroit ses créatures que pour avoir péché contre les lumières qui leur servent de loi ; & qu’il ne les condamneroit que par des règles de justice qui passent pour telles dans leurs propres consciences ; qu’enfin, nous sommes comme l’argile entre les mains du potier, à qui aucun vaisseau n’a droit de dire : pourquoi m’as-tu fait ainsi ?

Mais