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Les aventures

d’une chaloupe après quoi, nous fûmes encore occupés une quinzaine de jours à la mettre à l’eau ; ce que nous fîmes pouce après pouce, par le moyen de quelques rouleaux.

J’étois surpris de voir avec quelle adresse mon sauvage savoit la manier & la tourner, quelque grande qu’elle fût. Je lui demandai si elle étoit assez bonne pour y hasarder le passage, & il m’assura que nous le pouvions, même dans un grand vent. J’avois pourtant encore un dessein qui lui étoit inconnu, c’étoit d’y ajouter un mât, une voile, une ancre, & un cable. Pour cet effet, je choisis un jeune cèdre fort droit, & j’employai Vendredi à l’abattre, & à lui donner la figure nécessaire. Pour moi, je fis mon affaire de la voile ; je savois qu’il me restoit un bon nombre de morceaux de vieilles voiles ; mais comme je n’avois été guères soigneux de les conserver pendant vingt-six ans, je craignois qu’elles ne fussent absolument pourries. J’en trouvai pourtant deux lambeaux passablement bons ; je me mis à y travailler, & après la fatigue d’une couture longue & pénible faute d’aiguilles, j’en fis enfin une mauvaise faute d’aiguilles, j’en fis enfin une mauvaise voile triangulaire, que nous appelons en Angleterre une épaule de mouton, & qu’on emploie d’ordinaire dans les chaloupes de nos vaisseaux ; c’étoit celle dont la manœuvre m’étoit la plus familière, puisqu’avec une pareille voile je