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Les aventures

coup pour me désaltérer. Elle ranima entièrement le pauvre vieillard, & lui fit plus de bien que toute la liqueur forte qu’il avoit prise ; car il mouroit de soif.

Quand il eut bu, & que je vis qu’il y avoit encore de l’eau de reste, j’ordonnai à Vendredi de la porter à l’espagnol avec un des gâteaux qu’il m’avoit été chercher. Celui-ci étoit extrêmement foible, & s’étoit couché sur l’herbe à l’ombre d’un arbre : il se relava pourtant pour manger & pour boire, & je m’en approchai moi-même pour lui donner une poignée de raisins. Il me regarda d’un air tendre & plein de la plus vive reconnoissance ; mais il avoit si peu de forces, quoiqu’il eût marqué tant de vigueur dans le combat, qu’il ne pouvoit se tenir sur ses jambes ; il l’essaya deux ou trois fois, mais en vain ; ses pieds enflés prodigieusement à force d’avoir été garottés, lui causoient trop de douleur. Pour le soulager, j’ordonnai à Vendredi de les lui frotter avec du rum, comme il avoit fait à l’égard de son père.

Quoique mon pauvre sauvage s’acquittât de ce devoir avec affection, il ne pouvoit pas s’empêcher de moment à autre de tourner ses yeux vers son père, pour voir s’il étoit toujours dans le même endroit, & dans la même posture. Une fois entr’autres ne le voyant pas, il se leva avec précipitation, & courut de ce côté-là avec tant