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Les aventures

bérer sur mon voyage vers le continent, où le père de Vendredi m’assuroit que je serois bien reçu par les sauvages pour l’amour de lui.

L’exécution de mon dessein fut un peu suspendue par un entretien fort sérieux que j’eus avec l’Espagnol. Il m’apprit qu’il avoit laissé au continent seize autres chrétiens, tant espagnols que portugais, qui, ayant fait naufrage, & s’étant sauvés sur ces côtes, y vivoient, à la vérité, en paix avec les sauvages ; mais avoient à peine assez de vivres pour ne pas mourir de faim. Je lui demandai toutes les particularités de leur voyage, & je découvris qu’ils avoient monté un vaisseau espagnol, venant de Rio de la Plata, pour porter à la Havane des peaux & de l’argent, & pour s’y charger de toutes les marchandises européennes qu’ils y pourroient trouver ; qu’ils avoient sauvé d’un autre vaisseau cinq matelots portugais, qu’en récompense ils en avoient perdu cinq des leurs, & que les autres, à travers une infinité de dangers, étoient à demi-morts de faim sur le rivage des cannibales, saisis de la crainte d’être dévorés aussi-tôt qu’on les auroit apperçus.

Il me conta encore qu’ils avoient quelques armes avec eux, mais qu’elles leur étoient absolument inutiles, faute de balles & de poudre, dont ils n’avoient sauvé qu’une quantité très-