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Les aventures

rappeler le souvenir de ma première repentance, dont j’avois foulé aux pieds tous les engagemens par un endurcissement de cœur effroyable. Les horreurs de la mort que j’avois cru tout-à-fait passées, ne pensant pas que ce second orage approcheroit du premier, se réveillèrent, quand j’entendis dire au maître, comme je le viens de conter, que nous allions tous périr. Je sortis de ma cahute pour voir ce qui se passoit dehors. Un plus affreux spectacle n’avoit jamais frappé ma vue ; les flots s’élevoient comme des montagnes, & venoient fondre sur nous de moment à autre ; de quelque côté que je tournasse les yeux, ce n’étoit que consternation. Deux vaisseaux passèrent auprès de nous pesamment chargés, qui avoient leurs mâts coupés rez pied, & nos gens s’écrièrent, qu’un vaisseau qui étoit à un mille devant nous, venoient de couler à fond. Deux autres bâtimens, détachés de leur ancres, avoient été jetés à la rade en pleine mer, voguant sans mâts, à l’aventure. Les bâtimens légers se trouvoient les moins en butte à la tourmente, comme étant moins accablés de leur propre poids, & il en passa deux ou trois proche de nous, qui couroient vent arrière avec la seule voile de beaupré.

Vers le soir, le pilote & le contre-maître demandèrent au maître la permission de couper le