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de Robinson Crusoé.


L’étonnement où le feu & le bruit du fusil jetèrent ces pauvres créatures, est au-dessus de tout ce que je puis dire. Quelques-uns faillirent à en mourir de peur, & tombèrent à la renverse. Mais quand ils virent que l’animal étoit mort, qu’il étoit allé au fond, & que je leur faisois signe de venir au rivage, le cœur leur revint, ils s’approchèrent & se mirent à chercher la bête. L’eau qui étoit teinte de son sang me la fit découvrir, & par le moyen d’une corde que je lui fis passer autour du corps, & que je leur donnai à hâler, ils la tirèrent dehors. Il se trouva que c’étoit un léopard des plus curieux, parfaitement bien marqueté, & d’une beauté admirable. Les nègres ne pouvant pas s’imaginer avec quoi je l’avois pu tuer, levoient les mains vers le ciel, pour témoigner leur surprise.

L’autre animal, épouvanté du feu qu’il avoit vu, aussi bien que du coup qu’il avoit entendu, se hâta vers le rivage en nageant, & de là s’enfuit aux montagnes d’où ils étoient venus, sans que je pusse discerner à une telle distance ce que c’étoit. Je vis bien d’abord que les nègres aboient envie d’en manger la chair : ainsi j’étois bien aise de me faire un mérite auprès d’eux ; & quand je leur eu fait connoître par signes qu’ils la pouvoient prendre, ils m’en témoignèrent mille remerciemens. Ils se jetèrent dessus sans différer,