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de Robinson Crusoé.

offrît davantage, il me le seroit bon. Outre cela il m’offrit soixante autres pièces de huit, pour mon garçon Xuri ; mais j’avois de la peine à les accepter, non que je ne fusse bien aise de le laisser au capitaine ; mais je ne pouvois me résoudre à vendre la liberté de ce pauvre garçon, qui m’avoit assisté si fidèlement au recouvrement de la mienne. Néanmoins après que je lui eus découvert mon scrupule ; il m’avoua qu’il le trouvoit raisonnable, & me proposa cet expédient ; c’est qu’il lui feroit une obligation de sa main, par laquelle il seroit tenu de l’affranchir dans dix ans, s’il se vouloit faire chrétien. Sur cela je livrai Xuri au capitaine, d’autant plus volontiers que celui-là goûtoit les propositions de celui-ci.

Nous eûmes une navigation heureuse jusqu’au Brésil, & au bout d’environ vingt-deux jours nous arrivâmes à la baie de tous les Saints. Je me vis alors délivré pour une seconde fois de la plus misérable de toutes les conditions de la vie : ce qui me restoit à faire, c’étoit de considérer comment je disposerois désormais de ma personne.

Je ne saurois trop préconiser la générosité avec laquelle le capitaine me traita. Premièrement il ne voulut rien prendre pour mon passage : d’ailleurs il me donna vingt ducats pour la peau du léopard, & quarante pour celle du lion ; il ordonna qu’on me rendît ponctuellement tout ce que j’avois