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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

ELLE MARCHAIT, RÊVEUSE

Elle marchait, rêveuse et souriant aux branches,
Au doux roucoulement des tourterelles blanches,
Aux fleurs de pourpre et d’or que le vent balançait
Et sa joue était rose, et son cœur bondissait,
Plein d’espoir éphémère et de clarté divine.
Un frais parfum montait du fond de la ravine,
Le ruisseau clair chantait, le ciel était doré ;
Et des champs et des bois flottait l’hymne sacré.

Par le sentier fleuri, rêvant d’amour peut-être,
Elle allait, radieuse, et toute au bonheur d’être…
Mais ses pas écrasaient, sous les arbres moussus,
Sans que la douce enfant même s’en aperçut,
Mille insectes, fourmis, grillons et coccinelles,
Tandis que l’azur clair brillait en ses prunelles…


À DOSTOIEVSKY


Je te salue, ô toi qui, sur les villes blêmes,
Fis courir le grand vent de la pitié suprême,
Dressas Raskolnitkof aux yeux étincelants,
Et la prostituée et les pâles enfants
Que le vent de la nuit glace et que la faim ronge,
Cependant que d’un ciel livide, comme en songe,
Sur leurs têtes s’épand la neige par flots lourds,
Et que de maigres chiens hurlent aux carrefours…