Page:Apollinaire - L’Hérésiarque et Cie.djvu/17

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moustaches, et des cheveux démesurément longs mais soigneusement peignés, d’une blancheur d’hermine. On voyait pourtant les lèvres épaisses et violettes. Le nez proéminait, poilu et courbe. Près d’un urinoir, l'inconu s’arrêta et me dit :

— Pardon, monsieur.

Je le suivis. Je vis que son pantalon était à pont. Dès que nous fûmes sortis :

— Regardez ces anciennes maisons, dit-il ; elles conservent les signes qui les distinguaient avant qu’on ne les eût numérotées. Voici la maison à la Vierge, celle-là est à Aigle, et voilà la maison au Chevalier.

Au-dessus du portail de cette dernière une date était gravée.

Le vieillard la lut à haute voix :

— 1721. Où étais-je donc?... Le 21 juin 1721 j’arrivai aux portes de Munich.

Je l’écoutais, effrayé, et pensant avoir affaire à un fou. Il me regarda et sourit, découvrant des gencives édentées. Il continua :

J’arrivai aux portes de Munich. Mais il paraît que ma figure ne plut pas aux soldats du poste, car ils m’interrogèrent de façon fort indiscrète. Mes réponses ne les satisfaisant pas, ils me garrottèrent et me menèrent devant les inquisiteurs. Bien que ma conscience fût nette, je