Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/138

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de s’informer de ma santé, mais, en réalité, pour voir combien je souffre, entendre leurs condoléances hypocrites et leurs allusions empoisonnées… tu sais, trois jours d’une telle vie, c’était assez pour me rendre folle.

Je ne t’écrirai rien de notre voyage, de notre installation à la campagne et de ma santé : Hippolyte Nikolaievitch a sans doute été chez toi et t’aura tout raconté en détail. Je dois rendre justice à Hippolyte Nikolaievitch : il a été constamment très délicat et très bon avec moi ; il m’a soignée comme une vraie Sœur de charité, et, bien qu’il ait probablement tout compris, il n’a fait aucune allusion ; seulement, le jour de son départ il m’a dit, comme en passant : « N’écrirez-vous pas quelques mots à la princesse Krivobokaia ? Il faut que vous la félicitiez du mariage de sa fille. Je lui porterai moi-même votre lettre. » Et, obéissant, je me suis assise à la table à écrire et j’ai félicité cette mégère en ces termes : « Je fais des vœux bien sincères pour le bonheur de Nadine. » Je te jure, Kitie, que j’ai menti pour la dernière fois.

Mais peut-on vivre dans le monde et ne pas mentir ? Je ne puis même me présenter une vie absolument honnête et droite dans ce