Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/140

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entretenu de cette pauvre fille… tu sais, la lectrice d’Anna Mikhailovna, qui s’est perdue par amour pour le fils d’Anna. Mon Dieu ! quel tonnerre d’indignation est tombé sur cette malheureuse ! et la plus indignée, celle qui cria le plus, fut Nina Karskaia que, trois mois avant, personne à Pétersbourg ne voulait recevoir.

Moi aussi, j’ai fait une phrase quelconque dans le ton général, mais aussitôt j’ai senti que je n’avais pas le droit de parler ainsi, et longtemps après, cette phrase me pesa sur la conscience, et j’ai rougi depuis, chaque fois que je me la suis rappelée.

Un jour, j’ai communiqué quelques-unes de ces pensées à Hippolyte Nikolaievitch. Il m’a dit : « Vous vous trompez en croyant que le mensonge et l’hypocrisie soient particuliers à notre société ; ces vices appartiennent à toutes les sociétés et à tous les peuples. » C’est très possible ; mais moi, je ne connais pas les autres sociétés ; je parle de la nôtre, que je connais bien ; et si vraiment les autres hommes ne sont pas meilleurs que nous ; on ne voit pas que de ce fait nous ayons le droit de les mépriser.

Mais le monde et non seulement hypocrite et menteur, il est encore cruel et sans pitié. Notre ancien précepteur Vassili Ivanovitch