Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/161

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était pleine des musiques, du tournoiement des amabilités et des médisances d’un bal. J’ai toujours détesté cette sorte d’exercice et d’ailleurs, depuis la mi-novembre, ma santé n’était pas très solide : aussi avais-je protesté contre ce bal ; mais ma femme tenait absolument à le donner, car elle espérait, et avec raison, que de très hauts personnages y viendraient. C’est tout juste si nous ne nous sommes pas querellés ; enfin elle eut gain de cause… Au gré de tous, le bal fut brillant : pour moi, il fut insupportable. Ce soir-là, je sentis pour la première fois les fatigues de la vie et, nettement, qu’il me restait peu de temps à vivre.

Toute ma vie a été une série de bals, et ce fut là le tragique de mon existence : J’aimais la campagne, la lecture, la chasse, la vie calme et familiale, et cependant j’ai passé toute ma vie dans le monde ; d’abord, ce fut pour complaire à mes parents, puis, pour complaire à ma femme. J’ai toujours pensé que l’homme naît avec des goûts absolus et avec tous les germes de son caractère futur ; son but est précisément de réaliser son caractère. Tout le mal vient de ce que les circonstances mettent parfois des obstacles à cette réalisation. Je passais en revue toutes