Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/167

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long du chemin. Mais, dès qu’on entra sur le domaine du comte, ma gaieté s’envola. Il me semblait connaître ces lieux et, confusément, les avoir habités jadis. Cette sensation, assez angoissante, s’augmentait d’instant en instant, et, quand nous débouchâmes sur la large avenue qui conduit au château, j’en dis un mot à ma femme.

— Quelle niaiserie ! s’exclama-t-elle. Tu me disais encore hier que, même dans ton enfance, quand tu habitais Paris avec ta mère, vous n’étiez jamais venus dans cette région.

Je me tus, n’étant pas en veine de contradiction ; l’imagination, comme un éclaireur, m’annonçait tout ce que j’allais voir. Voici la grande cour d’honneur couverte de sable rouge ; voilà le porche timbré du blason des La Roche-Maudin ; ici, la salle aux deux étages de fenêtres ; là, le grand salon orné des portraits de famille ; et même l’odeur particulière de ce salon, odeur de musc et d’acajou, me revint comme dès longtemps familière.

Je me laissais aller à la dérive de profondes réflexions, quand le comte de La Roche-Maudin me proposa une promenade au parc. Là, de tous côtés, je fus assailli de