Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/175

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funéraire une compétence qu’on n’eût jamais soupçonnée d’une personne de sa spécialité. Les domestiques, les palefreniers, le concierge et même des gens inconnus de tout le monde vinrent me dire adieu ; tous prièrent très ardemment, les vieilles femmes sanglotaient, et je remarquai que, parmi ceux qui venaient me présenter leurs devoirs, les gens du peuple non seulement m’embrassaient sur la bouche, mais même le faisaient avec une certaine satisfaction, tandis que les personnes de mon monde, même les plus intimes, s’approchaient de moi avec une répugnance qui eût outragé mes yeux de jadis. Nastasia vint de nouveau ; elle avait une robe de chambre bleue à fleurs roses. Ce costume ne plut pas à Savieli, et il lui en fit l’observation sévèrement.

— Mais je n’y peux rien, Savieli Petrovitch, répondit Nastasia, j’aurais voulu mettre une robe foncée, mais aucune n’a la ceinture assez large.

— Ah bien ! alors tu n’avais qu’à rester dans ton lit ; une autre à ta place aurait honte de s’approcher du cercueil du prince avec un tel ventre.

— Pourquoi l’insultez-vous, Savieli Petrovitch, objecta Séméon ; elle est ma femme légitime, il n’y a donc aucun péché.