Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/176

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— Je connais ces salopes légitimes, grommela Savieli en retournant dans son coin.

Nastasia, très confuse, voulait répondre par quelque grossièreté, mais elle ne trouva pas le mot approprié ; sa bouche se contracta et dans ses yeux parurent des larmes.

— « Et tu vaincras le serpent », disait le chantre.

Nastasia s’approcha tout près de Savieli et lui dit à voix basse :

— Vous êtes, vous aussi, un serpent.

— Quoi ! moi, un serpent ? ah ! toi…

Savieli n’acheva pas : un coup de sonnette venait de retentir à la porte d’entrée, et Vasutka parut, annonçant l’arrivée de la comtesse Marie Mikhaïlovna.

Le salon se vida aussitôt. Marie Mikhaïlovna, la tante de ma femme, était une vieille dame très importante. Elle s’approcha de moi à pas lents, pria avec majesté et voulut m’embrasser ; mais, après avoir réfléchi quelques instants, elle hocha au-dessus de moi sa tête grise nonchalamment encapuchonnée de noir ; après quoi, soutenue avec respect par sa dame de compagnie, elle se dirigea vers la chambre de ma femme. Elle revint un quart d’heure après ramenant sa nièce, laquelle était en robe de chambre blanche et