Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/183

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dire : « Garde ces cinq mille roubles, mes enfants ont assez d’argent. »

Le salon fut bientôt plein, les dames entraient, la plupart deux par deux, et s’immobilisaient le long du mur. Presque personne qui s’approchât de moi : je faisais horreur à tout le monde. Les dames les plus intimes demandaient à mon frère si elles pouvaient voir ma femme ; mon frère, saluant silencieusement, leur montrait la porte du salon. Instinctivement elles s’arrêtaient au moment d’entrer, puis, baissant la tête, elles se plongeaient dans le salon comme les baigneurs qui, après une courte hésitation, piquent une tête dans l’eau froide.

À deux heures, le Tout-Pétersbourg était là. Si j’eusse été vaniteux, l’aspect de la salle m’eût fait grand plaisir ; il vint même des personnages si considérables que mon frère, instruit de leur arrivée, se précipita à leur rencontre dans l’escalier.

J’ai toujours entendu avec attendrissement la messe des morts, bien que, de longues années, elle me soit restée incompréhensible. « La vie infinie » me troublait surtout ; cette expression, dans cette messe, me semblait une ironie ; maintenant ces paroles ont pour moi un sens profond, moi-même ai