Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/230

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étrange, mystérieux et fixé à distance ; ses yeux verts semblaient poser une question à laquelle nul ne pouvait répondre. Après le déjeuner, la fantaisie lui vint d’aller chez un photographe faire faire le portrait de notre groupe en souvenir de cette rencontre. Naturellement nous avons acquiescé à son désir ; et ce groupe, que j’ai appelé prophétique, demeure chez moi le seul monument du passé. Le même soir, nous quittions Moscou pour la campagne. Nos propriétés n’étant distantes que de quatre verstes, nous nous vîmes tous les jours. Deux mois plus tard, je commençai à remarquer que le regard mystérieux s’arrêtait longuement sur moi.

Que je fusse amoureux d’Hélène Pavlovna, rien d’étonnant ; mais pourquoi m’aima-t-elle ? C’est encore pour moi une énigme. Aliocha était beaucoup mieux que moi physiquement et sous tous les autres rapports, je n’ose même pas me comparer à lui… Et notre aventure commença six mois à peine après son mariage.

Plus tard, quand je songeais à ma conduite d’alors, je me consolais à la pensée d’avoir lutté longtemps contre mes sentiments. Hélas ! je dois avouer que, si j’ai lutté, ce ne fut pas avec beaucoup de persévérance. Si j’eusse