Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

été absolument honnête, je serais parti sans attendre la fin de mon congé, mais je ne partis pas… puis je fis renouveler mon congé… puis je donnai ma démission et acceptai les fonctions d’arbitre. Je passai deux années à la campagne ; et ces deux années sont l’époque la plus intéressante et la plus honteuse de toute mon existence. Ma vie était remplie : je ne la donnais pas toute à Hélène Pavlovna ; mes devoirs d’arbitre occupaient plus de la moitié de mon temps ; l’amour était plutôt pour moi un repos, une distraction. Ainsi je n’ai pas même l’excuse de la passion.

Les Okontzev passèrent l’hiver au chef-lieu ; je louai un pavillon dans la cour de la maison qu’ils occupaient, et je venais chez eux chaque fois que j’étais libre. Je ne puis dire que ma conscience fût toujours tranquille ; parfois je ne pouvais regarder sans effroi le bon et confiant Aliocha ; mais cette conscience même de la profondeur de mon crime et la crainte perpétuelle d’être surpris donnaient à notre intrigue un charme particulier, mauvais.

À la fin de l’hiver suivant, Aliocha prit froid et tomba gravement malade. Hélène Pavlovna demeura à son chevet et, avec un